Un premier traitement contre le cancer vieux de 4 000 ans ? (2024)

Les anciens Égyptiens avaient mis au point des traitements de pointe pour bien des maladies. De nombreux papyrus témoignent ainsi d'une pharmacopée sophistiquée pour soigner diverses affections dermatologiques et gynécologiques. Mais aussi des maladies digestives, des traumatismes et des problèmes dentaires.

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Les médecins de l'époque pharaonique avaient-ils commencé à développer un traitement spécifique contre le cancer? Des scientifiques allemands, anglais et espagnols le laissent entendre. Deux crânes égyptiens, analysés récemment, présententen tout cas des caractéristiques faisant penser qu'ils ont fait l'objet de soins poussés.

Des crânes retrouvés par hasard

Les ossem*nts en question proviennentdu site de Gizeh, près du Caire. Ils sont conservésdans la collection Duckworth de l'université de Cambridge. C'estl'archéologue espagnol Edgard Camarósqui les aretrouvés, en octobre2022, dans les réserves de cette institution.

Le chercheur de l'université Saint-Jacques-de-Compostelle y était alors en résidence. L'Espagnol de 38ans confie avoirété intrigué par une étiquette sur un carton. Elle portait une mention manuscrite interrogative: «cancer?»

En examinant les tas d'ossem*nts qui se trouvaient à l'intérieur, l'archéologue spécialisé dans l'étude des «paléopathologies» a tout de suite perçu que ces crânes méritaient qu'on s'y attarde. En collaboration avec Tatiana Tondini, de l'université de Tübingen en Allemagne, mais aussi Albert Isidro, de l'université autonome de Barcelone, il a scruté ces ossem*ntssous toutes les coutures.

Le plus vieux cas de cancer traité

Leurs observations conduites par microscope mais aussi par scanner, selon des «techniques de balayage tridimensionnel»ont donné lieu à lapublication d'un articledans la revueFrontiers in Medicinele 29mai dernier. Les conclusions qui y figurentbouleversent l'état de la connaissance en matière d'histoire de la médecine.

Les deux crânes présentent bien des traces de tumeurs cancéreuses. Et l'un d'eux a fait l'objet d'interventions chirurgicales spécifiques sur l'une de ces tumeurs.

Les deux crânes ont en commund'avoir bénéficié au cours de leur vie de soins dentairesqui attestent le fait qu'ils appartenaient àdes personnes bénéficiant d'une position sociale avantageuse. Ils datent cependant de périodes différentes de l'histoire égyptienne. Le crâne désigné sous le numéro236 a appartenu à un homme d'une trentaine d'années, décédé entre2687 et2345 avant notre ère, soit la période où étaient érigées les grandes pyramides.

Le deuxième (présenté sous le numéro E270) est celui d'une femme ayant vécu postérieurement: entre663et343avant notre ère. La datation est rendue difficile en raisondu mode deconservation du crâne. Elle avait plus de 50ans au moment de son décès. Les comparerpermet d'ouvrir des perspectives intéressantes quant à l'évolution des pratiques médicales entre ces deuxépoques.

Opération de la dernière chance ou autopsie?

Le crâne le plus ancien présente un nombre important de lésions– une trentaine au total –, témoignant de l'état avancé d'un cancer métastasé. Les chercheurs pensent que la tumeur primaire était localisée dans le pharynx. Ce cancer de la gorge aurait ensuite touché le palais avant de se propager au cerveau. L'individu est décédé de cette maladie, il y a 4000 ans.

Un premier traitement contre le cancer vieux de 4000ans? (1)

On sait depuis une dizaine d'années que les cancers ne sont pas l'apanage des hommes modernes. Nos ancêtres préhistoriques n'étaient pas à l'abri de cette maladie.Une tumeur cancéreuse a ainsi été identifiée, en 2013, sur le squelette d'un homme de Néandertal vieux de 120000ans, retrouvé dans une grotte de Croatie.

En 2016, c'est sur un fragment d'os d'hominidé remontant à 1,7million d'années avant notre ère et exhumé dans la grotte de Swartkrans, près de Johannesburg (Afrique du Sud), qu'a été observé un autre type de cancer invasif: un ostéosarcome.

Cancers préhistoriques

Les images obtenues par tomodensitométrie sur le crâne236ont cependant apporté une information inédite. «Les marques fines d'incisions observées autour des lésions suggèrent une intervention chirurgicale pour traiter les cellules malades», indique le professeur Albert Isidro qui a conduit des études complémentairesau service d'oncologie de l'hôpital universitaire Sagrat Cor à Barcelone.

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«Cette opération a-t-elle été faite avant la mort pour tenter de soigner l'individu ou après son décès pour comprendre la cause de son trépas? La réponse à cette interrogation n'est pas tranchée», complète EdgardCamarós, pour qui la question est finalement relativement secondaire. «Dans les deux cas, nous avons la certitude d'être face à un acte médical qui tente… soit de soigner, soit de comprendre la cause du décès», poursuit-il.

Les momies ayant fait l'objet d'interventions chirurgicales sont très nombreuses. Certaines ont fait l'objet detrépanations, d'obturations dentaires, de réductions de fractures, mais c'est la première fois qu'on retrouve la trace d'un traitement de nature oncologique.

Traitements au temps des pyramides

Les cancers étaient connus des Égyptiens. Un traité médical, rédigé il y a 4500ans et attribué au médecin Imhotep, décrit, parmi une cinquantaine de cas cliniques, celui d'une femme présentant unegrosseur au sein qui pourrait être une tumeur cancéreuse. Ce papyrus détaille l'apparence et la texture de la lésion au toucher. Il précise qu'il n'existait, à l'époque, aucun remède connu pour cette maladie.

La découverte publiéepar leschercheurs des universités de Cambridge (Royaume-Uni), Tübingen (Allemagne) et Saint-Jacques-de-Compostelle (Espagne) n'en est que plus remarquable. Car elle indique que les médecins égyptiens ne s'en sont pas tenus à ce constat d'échec. Ils ont cherché à comprendre, voire à traiter cette maladie.

Les énigmes d'un autre crâne

Le second ossem*nt, celui de la femme quinquagénaire, présente quant à lui une large lésion attribuable à un ostéosarcome ou un méningiome, cancers qui provoquent fréquemment des atteintes osseuses spectaculaires. Cette tumeur particulièrement agressive n'a pas fait l'objet du même type de soins que l'autre crâne.

Un premier traitement contre le cancer vieux de 4000ans? (2)

Ce qui a retenu l'attention de l'équipe internationale, c'est le traitement d'un traumatisme plus ancien: une blessure profonde au-dessus du sourcil gauche, probablement infligée par un objet métallique. «Nous émettons l'hypothèse que cette femme ait été attaquée par un individu droitier à l'aide d'une épée ou d'une autre lame tranchante. Si ça avait été un homme, on aurait tout de suite dit que c'était un guerrier. Là, nous ne savons qu'en conclure», émet EdgardCamarós.

Ce type de cicatricesoulève évidemment la question de la participation des femmes à des combats. À moins qu'elle n'ait été victime de violences domestiques! «Nous ne pouvons pas trancher à ce stade», reconnaît EdgardCamarós.

«Les tumeurs ont évolué au fil du temps»

Malgré le fait que les Égyptiens ne connaissaient aucun remède contre les infections fréquentes, la blessure a en tout cas été guérie malgré la profondeur de la plaie ce qui laisse supposer que des soins ont, là aussi été administrés avec bonheur. Le cancerqui a fini par tuercette quinquagénaire est apparupostérieurement à un autre endroitdu crâne (à l'arrière).

«À l'époque, cettemaladie était incurable. Mais aujourd'hui, aucun de ces deux patients n'aurait développé detumeurs aussi avancées et ils auraient probablement été guéris», estime le chercheur espagnol qui entend poursuivre ses études sur le cancer à travers les âges.

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«Cette pathologieest un produit de nos habitudes et de notre génétique. Et les tumeurs ont évolué au fil du temps», dit-il en évoquant le cas de cancers du poumon spécifiques développés par lesramoneurs en Angleterre au XVIIIesiècle. Ou les tumeurs nasopharyngées caractéristiques de l'Égypte ancienne. «Ils étaient peut-être dus à un environnement de type désertique où l'inhalation de sable peut enflammer les fosses nasales et constitue un facteur qui pourrait augmenter l'incidence de cette maladie à ce moment-là», souligne-t-il.

EdgarCamarós s'apprête à se pencher sur des squelettes fort différents dans une nouvelleétude. «Mon prochain sujet concerne des hominidés découverts au Kenya et qui sont datés d'un peu plus d'un million d'années. Je tente de comprendre les causes de leurs décès. Il se pourrait qu'il s'agisse, là aussi, de cancers», conclut-il.

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Author: Nathanael Baumbach

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